Le talent de la prometteuse N’kony Sylla, cinéaste autodidacte

N’kony Sylla est une réalisatrice de talent, autodidacte, et engagée. Son premier court-métrage, Ton mari c’est ton dieu, traite d’un sujet encore tabou, l’inceste, pourtant très répandue en Guinée. Le film sera prochainement diffusé au FESPACO – Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou, au Burkina Faso. Une belle mise en lumière pour le film et pour l’artiste, que nous avons rencontrée.
KadiFM : Pourquoi avoir choisi de traiter le sujet de l’inceste dans votre film ?
N’kony Sylla : La situation est devenue alarmante. Partout, dans les journaux, à la radio… tout le temps, j’entends des affaires de viols et d’incestes. C’est cependant un fait divers bien précis qui m’a donné envie de prendre la plume. En 2020, un homme a abusé de sa propre fille. Alors que la victime était allée chercher de l’aide autour d’elle pour punir le violeur, sa famille lui a demandé de se taire… C’est terrible, la société préfère mettre tout sur le dos de la victime.
KadiFM : Pourquoi est-il important de mettre en lumière de telles histoires ?
N’kony Sylla : J’ai réalisé de nombreuses recherches sur le sujet pour écrire mon film. J’ai lu des articles, des témoignages…et la situation est vraiment critique. Il y a de plus en plus de cas de viols et d’incestes en Guinée. Deux jours avant la sortie officielle de mon film, un homme de 70 ans a abusé de sa fille de 14 ans. Ces faits divers sont nombreux et récurrents, il faut absolument en parler pour sortir les victimes du silence et punir les responsables.
KadiFM : En quoi le cinéma peut-il aider à toucher les consciences ?
N’kony Sylla : Le cinéma donne accès à ce genre d’histoire à un large public. Face à un écran qui reflète une triste réalité, le spectateur se remet en question. Dans mon récit, je fais appel à la vigilance des mamans. Mais pas seulement. Je dénonce aussi la société au sens large qui est complice, consciemment ou inconsciemment, de ces drames. C’est d’ailleurs à cause de cette complicité que changer les choses prend tant de temps.
KadiFM : Comment avez-vous réussi à réaliser votre rêve, ce film ?
N’kony Sylla : Je suis autodidacte, n’ai pas étudié en école de cinéma. Mais je suis passionnée par la réalisation depuis de nombreuses années. Afin de réaliser mon rêve, j’ai décidé de participer en 2019 à un séminaire sur l’écriture scénaristique au festival les 7 jours du 7ème art. Cette édition m’a permis d’appréhender le milieu et d’améliorer mon écriture cinématographique. J’ai par la suite pitché mon film et défendu mon projet devant l’incubateur Saboutech de la Bluezone de Dixinn. (Le programme Sabou Ciné Talents à la Bluezone de Conakry ! , piloté par l’incubateur Saboutech en partenariat avec l’Ambassade de France, vise à identifier, former et soutenir les talents dans le domaine de la production cinématographique, ndlr).
Mon projet ayant intéressé le programme Sabou Ciné Talents, j’ai pu amorcer la phase de réécriture de mon scénario dès janvier 2024, avec l’aide de quatre auteurs de fiction. J’ai ensuite été accompagnée par des professionnels du milieu pour tourner mon film en mai 2024, avec une équipe d’une dizaine de personnes – hors acteurs. Après quelques semaines de post-production, le court-métrage fini – mon premier film – a été diffusé au Centre Culturel Franco-Guinéen (CCFG) à Conakry, en septembre 2024.
KadiFM : Où sera diffusé votre court-métrage, en Guinée et dans le monde ?
N’kony Sylla : Après sa Première au CCFG, le film a été diffusé gratuitement en plein air au terrain de Gbessia, à la maison de l’Oralité et du Patrimoine Kouma Kan à Nongo, à la clôture de la 6ème édition du festival des 7 jours du 7ème art au CCFG, ainsi qu’au marathon du court-métrage au même endroit. Nous comptons organiser d’autres diffusions pour toucher un maximum de public, notamment dans les écoles et lors d’événements qui célèbrent la femme.
En ce qui concerne les festivals, l’œuvre a été sélectionnée à la 29ème édition du FESPACO – Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou, qui aura lieu à Ouagadougou au Burkina Faso du 22 février au 1er mars 2025. Le film y sera présenté en compétition dans la catégorie ‘film d’école’ .
KadiFM : Avez-vous un nouveau projet cinématographique ?
N’kony Sylla : Je travaille actuellement sur un nouveau scénario, qui traite des grossesses précoces en milieu scolaire, une cause qui me tient à cœur. Issue d’un quartier populaire de Conakry, j’ai vu de mes yeux de nombreuses jeunes filles n’ayant pas d’autre choix que d’abandonner les études à cause d’une grossesse non désirée.
Propos recueillis par Marion Bouche pour KadiFM