Les droits des femmes étaient pris en compte par la Charte de Kouroukan Fouga
Impossibilité d’élire un chef sans consulter les femmes, ou de lever la main sur elles sans se plaindre avant auprès de leur mari… La Charte du Mandén, aussi appelée Charte de Kouroukan Fouga, avait octroyé des droits spécifiques aux femmes, et ce dès 1236. La société mandingue était bien en avance sur son temps.
C’est à l’occasion de la Journée internationale des droits de l’Homme célébrée ce 10 décembre que Mohamed Bintou KEITA, directeur de l’Institut de Recherche Linguistique Appliquée (IRLA) s’est exprimé au Centre Culturel Franco-Guinéen à Conakry à propos de l’inspiration que la Charte de Kurukan Fouga (1236) a été pour la rédaction de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH) de 1948.
Selon le directeur de l’IRLA, avant 1236, dans les cultures primitives, les femmes n’avaient pas de droits formulés. Leur rôle dans la société était relégué au second plan. En 1222, la Déclaration des chasseurs du Mandé a toutefois initié l’expression des droits des femmes en promouvant sous forme de serment le grand respect dû vis-à-vis des femmes. Mais c’est en 1236 qu’un réel changement a été opéré. « Grâce à la Charte de Kouroukan Fouga, la femme a été reconnue comme une personne entière, avec des droits exprimés explicitement comme ceux des hommes. » La femme est alors une composante entière de la société mandingue, très respectée et considérée, avec un rôle important dans les affaires publiques, la gestion des conflits et dans les problèmes du quotidien. « C’est au pays mandingue que pour la première fois, une femme a intégré un gouvernement », complète Mohamed Bintou KEITA.
Composée de 44 articles, la Charte de Kouroukan Fouga a octroyé des droits aux femmes qui font encore aujourd’hui partie des codes. Elle complète d’ailleurs la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH) de 1948. Pour le directeur de l’IRLA, une des différences fondamentales concernant les femmes entre les deux actes relève du rapport d’égalité intersexe : « Tandis que la DUDH considère l’homme et la femme comme égaux, la Charte de Kouroukan Fouga distingue les deux sexes sur le plan physiologique, tout en leur conférant une égalité au niveau de leurs droits. »
La Charte du Mandén a été proclamée à Kouroukan Fouga en 1236, à l’issue de la grande victoire militaire de Kirina, par les représentants de l’Empire mandingue et leurs alliés, dans le but de régir la vie des populations locales. Elle est l’une des plus anciennes constitutions au monde et prône notamment la paix sociale dans la diversité, l’intégrité physique d’une personne, l’importance de l’éducation, la sécurité alimentaire, la liberté d’expression et d’entreprise, etc.
Cette charte orale et ses rites associés sont encore aujourd’hui transmis de génération en génération au sein dans le Mandén, et reste un pilier de valeurs pour les populations concernées. Aujourd’hui encore, elle est source d’inspiration juridique pour les autorités maliennes. Elle a été inscrite en 2009 sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.
Marion Bouche pour Kadi FM